Paysage moderne (navette spatiale en feu)
Daniel Schlier Paysage moderne (navette spatiale en feu)
2000, Huile sous verre, 102 ✕ 113 cm

Après le sommeil, les cartes

du 2 juin 2022
au 13 juillet 2022

par Benoît Blanchard

La peinture de Daniel Schlier est peuplée de regards et de sourires ; ce ne sont pas à proprement parler des portraits, mais les signes d’une présence épidermique où la peau est un rapport au paysage, à la géomorphologie, la cartographie, à l’anthropologie.

On y rencontre des schémas en prise avec des chronologies lointaines, et même une certaine opacité à se sentir observé de l’autre côté de la vitre par des êtres que l’on ne reconnaît pas. Ces visages, parcourus de cartes géographiques, sont tout en transparence. Ils ont l’air de radiographies et laissent passer les bruits et les éclats de vie qui fourmillent en leur for intérieur : le froissement ininterrompu d’une neige, parfois un objet, ici une clé, là la rugosité d’une peau parcheminée.

De même, les dessins dont l’image semble avoir été pratiquement entièrement dissoute dans la gestuelle de la main de l’artiste, ne présentent plus que l’agilité des sourires et des regards qui anime l’esprit de ces présences. Ce sont des hommes et des femmes qui racontent, mais quoi ?

On pourrait croire à une forme de facétie, un imbroglio de sables mouvants et poudrés créé pour piéger la connaissance dans l’illusion, une démonstration de nos vanités, mais dans l’œuvre de Daniel Schlier il n’y a rien de tout cela. Ces rides en forme de carte de France ne creusent pas en vain, elles sillonnent doucement une temporalité qui n’est pas celle de l’histoire, mais celle d’un lieu, le lieu où l’esprit affleure dans le pouls, sous la peau. Une manière d’être dans le monde, dans les limites du monde

Ainsi, le corpus d’œuvres présenté par Daniel Schlier est nourri d’un enchevêtrement de présences. Celles-ci ne se racontent pas, elles travaillent, voilent et décharnent une histoire sillonnée de frontières, d’échanges et de porosités. En cela, se crée une forme d’équivalence entre les yeux ouverts et les yeux fermés : une chose simple dont l’équilibre silencieux tient autant de celui des écorchés du XVIe siècle qu’aux récits vus au travers d’un prisme.