Double-fessier
Marine Pagès Double-fessier
2025, Encres et crayons de couleurs sur papier, 34 ✕ 25,8 cm

Marine Pagès ‘‘Cortina’’

du 6 septembre 2025
au 11 octobre 2025

Quelque chose à la surface affleure, déposé à même la feuille dans un geste unique, impossible à corriger. Comme on prend son élan avant un plongeon, comme on avance sur une scène en retenant son souffle à l’instant même où le rideau se lève. 

Et comment savoir ce qui, flottant dans l’espace en deux dimensions du papier, se joue et se déjoue, montre ou dissimule ? S’agirait-il de réminiscences de formes oubliées aussitôt vues ? Effacées peut-être, surgies à présent d’un passé lointain où elles auraient été englouties par une coulée de lave, de pierres et de cendres mêlées. 

Autant de souffles et de non-dits tapis derrière ces cloisons qui n’en sont plus et ne l’ont jamais été : Cortina ou rideau ou écran ou drap tiré prêt à s’ouvrir, dévoilant ce qui, ici, reste pour toujours au seuil du visible.

Et comment nommer ces courbes élancées vers le hors-champs, ces lignes croisées dans leurs moindres détails, ces volumes tels des reliefs aplanis à effleurer du bout des doigts si l’on pouvait, du bout d’un doigt seulement — entrer en contact avec cette matière colorée que l’œil sait palpable tant elle est sculpturale. 

Il suffirait alors au regard de se laisser conduire tout au long des pleins et des vides, suspendus aux teintes sans cesse réinventées des jus d’encre — bleu profond, ocre,  vermillon et toutes celles qui ne portent pas encore de noms ; il suffirait alors à la rétine de se poser, mais où exactement ? 

En effaçant tout sens de lecture, chaque dessin trace en effet, à sa manière, une lignée silencieuse avec celui qui précède et celui qui suit, dignes survivances de détails empruntés à Rembrandt, à Grünewald, à l’imagination toute entière. Les courbes ou lignes ou volutes ou rubans ont été comme tendues et détendues d’un même geste, le corps de l’artiste tout entier dévolu à leur surgissement, leurs infinies variations, la naissance de leurs ombres. 

Puis les courbes laissent place à de petits panneaux de bois recouverts d’acrylique, aquarelle et crayon de couleur, où affleurent comme en filigrane et dans un délicat nuancier de gris plusieurs détails mémorisés d’une villa Pompéienne. En entrecroisant leur finesse et leur densité, ces lignes marquent les contours d’un décor morcelé qui, eux aussi, obligent notre imagination à se mettre en jeu. Car ces grilles, évidées de leurs sujets pour certaines (nature morte, animaux ou humains, batailles) étaient avant tout destinées aux murs des patios, ces espaces de déambulations et de fraîcheur entre intérieur et extérieur, où les corps circulaient, s’évitaient, s’étreignaient. Villa ravive ainsi ce qui s’est joué et continue de se jouer dans les interstices, ces espaces de fiction pourtant sous nos yeux. 

Marcelline Delbecq, août 2025