Objet Optique
Les œuvres de Pierre Savatier interrogent la vision : qu’est-ce qui nous est montré du réel que nous ne pourrions voir autrement ? Question élémentaire face à la photographie, mais qui résonne particulièrement avec les photogrammes, photographies réalisées sans appareil.
C’est avec la lumière et depuis l’intérieur du dispositif photographique que Pierre Savatier travaille ; la chambre noire (« darkroom ») est le véritable atelier de l’artiste.
Dans ses photogrammes d’objets, apparaissent des figures dans lesquelles l’extrême netteté joue sans cesse avec le flou. Au réalisme lié au contact (de l’objet sur le papier) se mêle l’imaginaire de la projection (de lumières et d’ombres portées). C’est sous le double registre de l’observation et de l’apparition que l’œuvre se développe, associant précision et hasard. Dans la chambre noire, Pierre Savatier choisit d’éclairer des objets pour construire des visions où l’aléatoire occupe une place privilégiée, toute photographique.
Le recours récurrent à des règles graduées dont les lignes dessinent l’espace a pour pendant le choix de tissus dont la souplesse joue avec le flux de la lumière. La mesure comme la souplesse rencontrent le hasard, matérialisé par la lumière, pour former ces photogrammes.
Par le choix de certains objets (cartes géographiques, coupons d’étoffe, billes, fils de soie, règles…) et l’usage de moyens rudimentaires (du papier photo et de la lumière), sont produites des images riches et complexes.
Pierre Savatier utilise la technique du photogramme. Ce dispositif photographique élémentaire – une source de lumière avec une intensité et une incidence précises pour éclairer un ou des objets disposés sur le papier photo (noir et blanc ou couleur) – suffit à produire une image photographique (photogramme).
Le photogramme est une photographie archaïque, sans optique et sans film matriciel (pas de tirages multiples). Le format des œuvres est lié à la taille des objets utilisés (pas d’agrandissement). Pour l’artiste, « le photogramme est une empreinte incidente ». Depuis que l’industrie a arrêté la production du papier Cibachrome/Ilfochrome, Pierre Savatier utilise le scanner pour réaliser des œuvres en couleurs qu’il nomme « scanogrammes ». La lumière, la surface, la transparence et l’opacité y sont actives. Ici aussi le choix des matériaux est primordial. Les objets scannés sont des volumes : billes, rhodoïd pliés, calques froissés, quartz…
P. S. se sert des angles qui déterminent ces volumes et de la (faible) profondeur de champ de l’appareil pour construire des visions dans lesquelles le réel est objet d’interprétations multiples.
À la différence du photogramme, l’œuvre n’est pas unique et sa dimension est déterminée après l’enregistrement par le scanner.