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Christophe Cuzin 0 ESPÉRANTO
2022, Acrylique sur toile, 30 ✕ 40 cm

Exposition de tableaux

du 2 décembre 2022
au 24 décembre 2022

par Benoît Blanchard

Christophe Cuzin n’a plus peint un seul tableau depuis 1990. Ainsi, il n’y a pas eu de tableau lors de l’exposition scellant la collaboration entre l’artiste et la Galerie Bernard Jordan cette même année. Pas plus qu’il n’y en eu lorsque Christophe Cuzin inaugura le nouvel l’espace de la galerie, rue Charlot, à l’automne 2006. Pourtant, il y aura des tableaux de l’artiste pour l’exposition de clôture de ce même espace 16 années plus tard.

L’histoire a raconté que le galeriste avait aimé les tableaux de l’artiste et que l’artiste en retour avait cessé d’en produire, ce fut une première cessation d’activité ; l’histoire racontera que la cessation cessera à l’annonce d’une autre cessation, celle de l’espace de la rue Charlot. Soit 100 tableaux empruntant le format A3 des affichages internes aux administrations. 100 tableaux pour dire en autant de langues cette simple phrase Cessation d’activité.

Écrire dans une langue que l’on ne parle pas c’est n’est pas comme parler de ce que l’on ne connaît pas. Inversement, lire quelques mots écrits dans une langue que l’on ne maîtrise pas c’est, à proprement parler, dire n’importe quoi. Voilà l’imbroglio qui se loge derrière cet arrêt. L’espace se clôt, l’artiste prend sa retraite en tant qu’enseignant, les tableaux réapparaissent, les mots et les alphabets s’accumulent. Une page se tourne, mais ce n’est pas celle d’un livre, c’est plutôt celle d’un de ces calendriers perpétuels sur lequel on note les anniversaires et les récurrences.

Outre du passé, il y a aussi du possible dans la présentation de ces 100 cessations. Il y a des réalisations, la galerie a ouvert deux autres espaces, l’un rive gauche où elle avait fait ses débuts, l’autre au sein du Théâtre du Rond-Point ; il y a de la continuité et du désir, un panel de couleurs, un air de déjà vu ­— un rendez-vous inattendu. Les minces variations de sens dans les traductions ne cachent pas le fait que tôt où tard tout s’arrête et que bien souvent cela relève d’une décision, et ce, partout dans le monde. Cesser est banal. Lors d’un pot de départ à la retraite on vous offre une boîte de couleurs à l’aquarelle : on vous demande d’envoyer des cartes postales avec de beaux timbres de pays inconnus pour y écrire de sa plus belle plume sa cessation d’activité. Christophe Cuzin, lui, fait cela depuis la table de sa cuisine.

Le prétexte était trop beau pour ne pas, encore une fois, se saisir de ce qui lui est donné ; ne pas inventer de forme, prendre toutes les couleurs et ne pas en choisir une en particulier, et finalement, se faire peintre d’enseigne au jour d’en déposer la pancarte.