Alexandre Leger
Alexandre Leger est pleinement dessinateur. Stylo Bic, crayon, aquarelle, parfois quelques rehauts blancs à la gouache : sur la feuille de papier, le trait est nerveux et bref, il s’épanouit dans l’espace à la manière d’un jardin secret, explorant chaque recoin pour y faire fleurir l’expression romanesque d’une histoire sans fin.
La très grande simplicité de ce dispositif de départ n’est pas sans rappeler celui de l’écrivain. Le dessin se déploie tel un journal intime, avec franchise, libre de tout dire, sans pour autant s’apparenter à une écriture de l’en-soi. Dans le travail d’Alexandre Leger l’histoire du dessin se joue sur le terrain de l’autre.
En l’occurrence, l’autre est tout autant multitude littéraire que reflet de l’auteur dans son miroir. Nourri de références qui vont des Comics books américains aux explorations du texte par Georges Perec, le dessin d’Alexandre Leger a quelque chose d’un travail de bureau, avec son appareillage et sa bureautique où se concentrent le regard et les gestes, sa table éclairée d’une lampe d’architecte, ses nombreux carnets et une prédilection pour les petits formats que l’artiste transporte, réunis dans une mallette sombre — témoignage d’un imaginaire où le polar, les mots croisés et la poésie ont toute leur place.
Il faut donc bien mesurer l’importance du texte et, au-delà, l’importance du mot : le mot comme une porte ouverte d’où sort tout un monde colonisant l’espace du dessin jusqu’à saturation. Le texte est écrit par l’artiste, parfois récupéré, mais prend sens a posteriori – un sens caché, à déplier. Il porte en lui tout le plaisir potentiel de l’interprétation, de l’appropriation et la surinterprétation du regardeur qui livre littéralement l’image par sa propre intuition.
Mais tout cela n’est pas si sérieux, l’humeur du moment donne le ton. Le dessin peut se jouer comme une partie de jeu de l’oie en forme de palimpseste, dont les règles sont réécrites régulièrement. Et si tout est question d’équilibre, le plaisir du regard demeure premier.
Texte de Benoît Blanchard