Philippe Compagnon
Depuis plus de trente ans, la peinture de Philippe Compagnon est engagée dans un processus de recomposition de son langage géométrique coloré.
Les tableaux sont formés d’espace verticaux et horizontaux entrelacés, comme tissés les uns aux autres. Les couleurs participent de ce maillage par leurs rapports de contraste ou de dégradé. Il y a une mathématique de la couleur, un jeu d’occupation de l’espace où chaque élément doit trouver une place en fonction de ce qui l’entoure. Ce rapport de masse est fait de tensions parfois équilibrées, reposant sur des effets de symétrie et de répartition rationnelle, parfois en déséquilibre, une surface ayant pris le dessus sur la partie occupant l’essentiel du tableau. Mais une chose est sûre, ces états semblent ne jamais être que provisoires, comme si les permutations possibles se révélaient instamment nécessaires.
Le travail de Philippe Compagnon a cela de spécifique qu’il oppose à l’apparent hiératisme de son vocabulaire une dynamique qui n’est pas sans évoquer celle, souvent fantasmée, d’un mouvement perpétuel se renouvelant et se remodelant sans fin. La progression dans la peinture s’opère par ensembles de tableaux, chacun menant à d’autres possibilités, d’autres champs d’exploration. Le principe directeur de ces compositions combinatoires tient autant aux œuvres prises individuellement qu’aux successions dont elles procèdent. Les formes s’allongent ou se contractent, valsent du bleu outremer au vert bouteille, du jaune soleil au vermillon, se gonflent comme si elles étaient des baudruches, s’aplatissent à l’extrême, mais jamais ne perdent la cohérence qui les sous-tend.
L’enchaînement des séries fait aussi bien apparaître la rigueur de l’ensemble que son caractère insaisissable. La logique à l’œuvre ne se donne ni au regard ni à l’esprit, elle reste dans l’ombre, indéchiffrée. Il y a pourtant un indice, une clé pour celui qui observe de près. Celle-ci apparaît à fleur de peinture, en-deçà de son aspect rationnel. La peinture de Philippe Compagnon est une abstraction manuelle.